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Chamisso, Adelbert von: MERVEILLEUSE HISTOIRE DE PIERRE SCHLÉMIHL. Paris, 1838.

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Mon adversaire s'etant aussitot releve, cher-
chait des yeux son heureux vainqueur; mais il
ne decouvrit sur la pleine eclairee ni lui, ni
son ombre, dont il paraissait surtout s'enquerir;
car il n'avait pas eu sans doute, avant notre
rencontre, le loisir de remarquer que je fusse
sans ombre. Lorsqu'il se fut assure que toute
trace du ravisseur avait disparu, il porta ses
mains sur lui-meme avec le plus violent deses-
poir, et se mit a s'arracher les cheveux. Cepen-
dant ma precieuse conquete, en me donnant le
moyen de me replonger dans le tourbillon du
monde, m'en inspirait le desir. Je ne manquais
pas de pretextes pour colorer a mes propres
yeux l'enormite de mon action, mais plutot je
n'en cherchai aucun; et pour me soustraire a
tout remords, je m'eloignai sans regarder en
arriere, et sans preter l'oreille a l'infortune,
dont la voix lamentable me poursuivit long-temps
encore. Telles furent, telles me parurent du
moins alors, toutes les circonstances dc cet
evenement.

Je braulais du desir de me rendre au jardin
de l'inspecteur, et de verifier par moi-meme
les rapports de l'odieux inconnu. Je ne savais

Mon adversaire s’étant aussitôt relevé, cher-
chait des yeux son heureux vainqueur; mais il
ne découvrit sur la pleine éclairée ni lui, ni
son ombre, dont il paraissait surtout s’enquérir;
car il n’avait pas eu sans doute, avant notre
rencontre, le loisir de remarquer que je fusse
sans ombre. Lorsqu’il se fut assuré que toute
trace du ravisseur avait disparu, il porta ses
mains sur lui-même avec le plus violent déses-
poir, et se mit à s’arracher les cheveux. Cepen-
dant ma précieuse conquête, en me donnant le
moyen de me replonger dans le tourbillon du
monde, m’en inspirait le désir. Je ne manquais
pas de prétextes pour colorer à mes propres
yeux l’énormité de mon action, mais plutôt je
n’en cherchai aucun; et pour me soustraire à
tout remords, je m’éloignai sans regarder en
arrière, et sans prêter l’oreille à l’infortuné,
dont la voix lamentable me poursuivit long-temps
encore. Telles furent, telles me parurent du
moins alors, toutes les circonstances dc cet
événement.

Je brûlais du désir de me rendre au jardin
de l’inspecteur, et de vérifier par moi-même
les rapports de l’odieux inconnu. Je ne savais

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[69/0093] Mon adversaire s’étant aussitôt relevé, cher- chait des yeux son heureux vainqueur; mais il ne découvrit sur la pleine éclairée ni lui, ni son ombre, dont il paraissait surtout s’enquérir; car il n’avait pas eu sans doute, avant notre rencontre, le loisir de remarquer que je fusse sans ombre. Lorsqu’il se fut assuré que toute trace du ravisseur avait disparu, il porta ses mains sur lui-même avec le plus violent déses- poir, et se mit à s’arracher les cheveux. Cepen- dant ma précieuse conquête, en me donnant le moyen de me replonger dans le tourbillon du monde, m’en inspirait le désir. Je ne manquais pas de prétextes pour colorer à mes propres yeux l’énormité de mon action, mais plutôt je n’en cherchai aucun; et pour me soustraire à tout remords, je m’éloignai sans regarder en arrière, et sans prêter l’oreille à l’infortuné, dont la voix lamentable me poursuivit long-temps encore. Telles furent, telles me parurent du moins alors, toutes les circonstances dc cet événement. Je brûlais du désir de me rendre au jardin de l’inspecteur, et de vérifier par moi-même les rapports de l’odieux inconnu. Je ne savais

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Zitationshilfe: Chamisso, Adelbert von: MERVEILLEUSE HISTOIRE DE PIERRE SCHLÉMIHL. Paris, 1838, S. 69. In: Deutsches Textarchiv <https://www.deutschestextarchiv.de/19_ZZ_2786/93>, abgerufen am 05.12.2024.