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Chamisso, Adelbert von: MERVEILLEUSE HISTOIRE DE PIERRE SCHLÉMIHL. Paris, 1838.

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auquel il devait croire que se rattachaient toutes
mes douleurs. Pour moi, je ne pouvais lui faire
aucun reproche; je ne sentais que trop dans tout
ce qui s'etait passe, l'ascendant mysterieux de
l'inconnu.

Un jour, pour tout essayer, j'envoyai Ben-
del avec une riche bague de diamans chez le
peintre le plus renomme de la ville, en le fai-
sant prier de passer chez moi. Il vint. J'eloignai
tous mes gens; je fermai soigneusement ma
porte; je fis asseoir l'artiste a mon cote, et apres
avoir loue ses talens, j'abordai la question, non
sans un serrement de coeur inexprimable. J'avais
cependant pris la precaution de lui faire pro-
mettre le plus religieux secret sur la proposition
que j'allais lui faire.

-- "M. le professeur, lui dis-je, vous se-
"rait-il possible de peindre une ombre a un
"homme qui, par un enchaeinement inoui de mal-
"heurs, aurait perdu la sienne? -- Vous parlez,
"Monsieur, de l'ombre portee?" -- "Oui, Mon-
"sieur, de l'ombre portee, de celle que l'on jette
"a ses pieds au soleil." -- "Mais, poursuivit-il,
"par quelle negligence, par quelle maladresse
"cet homme a-t-il donc pu perdre son ombre?" --

auquel il devait croire que se rattachaient toutes
mes douleurs. Pour moi, je ne pouvais lui faire
aucun reproche; je ne sentais que trop dans tout
ce qui s’était passé, l’ascendant mystérieux de
l’inconnu.

Un jour, pour tout essayer, j’envoyai Ben-
del avec une riche bague de diamans chez le
peintre le plus renommé de la ville, en le fai-
sant prier de passer chez moi. Il vint. J’éloignai
tous mes gens; je fermai soigneusement ma
porte; je fis asseoir l’artiste à mon côté, et après
avoir loué ses talens, j’abordai la question, non
sans un serrement de coeur inexprimable. J’avais
cependant pris la précaution de lui faire pro-
mettre le plus religieux secret sur la proposition
que j’allais lui faire.

— «M. le professeur, lui dis-je, vous se-
«rait-il possible de peindre une ombre à un
«homme qui, par un enchaînement inouï de mal-
«heurs, aurait perdu la sienne? — Vous parlez,
«Monsieur, de l’ombre portée?» — «Oui, Mon-
«sieur, de l’ombre portée, de celle que l’on jette
«à ses pieds au soleil.» — «Mais, poursuivit-il,
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[26/0044] auquel il devait croire que se rattachaient toutes mes douleurs. Pour moi, je ne pouvais lui faire aucun reproche; je ne sentais que trop dans tout ce qui s’était passé, l’ascendant mystérieux de l’inconnu. Un jour, pour tout essayer, j’envoyai Ben- del avec une riche bague de diamans chez le peintre le plus renommé de la ville, en le fai- sant prier de passer chez moi. Il vint. J’éloignai tous mes gens; je fermai soigneusement ma porte; je fis asseoir l’artiste à mon côté, et après avoir loué ses talens, j’abordai la question, non sans un serrement de coeur inexprimable. J’avais cependant pris la précaution de lui faire pro- mettre le plus religieux secret sur la proposition que j’allais lui faire. — «M. le professeur, lui dis-je, vous se- «rait-il possible de peindre une ombre à un «homme qui, par un enchaînement inouï de mal- «heurs, aurait perdu la sienne? — Vous parlez, «Monsieur, de l’ombre portée?» — «Oui, Mon- «sieur, de l’ombre portée, de celle que l’on jette «à ses pieds au soleil.» — «Mais, poursuivit-il, «par quelle négligence, par quelle maladresse «cet homme a-t-il donc pu perdre son ombre?» —

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Zitationshilfe: Chamisso, Adelbert von: MERVEILLEUSE HISTOIRE DE PIERRE SCHLÉMIHL. Paris, 1838, S. 26. In: Deutsches Textarchiv <https://www.deutschestextarchiv.de/19_ZZ_2786/44>, abgerufen am 16.04.2024.