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Chamisso, Adelbert von: MERVEILLEUSE HISTOIRE DE PIERRE SCHLÉMIHL. Paris, 1838.

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tai ma maison et ma suite conformement a ma
fortune actuelle, et j'achetai surtout une quan-
tite de choses inutiles, de bijoux et de pierre-
ries, dans le seul but de me debarrasser d'une
partie du monceau d'or qui me genait; mais a
peine si la diminution en etait sensible.

Je flottais cependant, a l'egard de ce qui
me manquait, dans une incertitude mortelle, je
n'osais sortir de ma chambre et je faisais allu-
mer le soir quarante bougies dans mon salon,
pour ne point rester dans les tenebres. Je ne
pensais qu'avec effroi a la rencontre des eco-
liers, cependant je voulais, autant que j'en au-
rais le courage, affronter encore une fois les
regards du public et donner a l'opinion l'occa-
sion de se prononcer. La lune eclairait alors
les nuits, je m'enveloppai d'un large manteau,
je rabattis mon chapeau sur mes yeux, et me
glissai, tremblant comme un malfaiteur, hors de
l'hotel. Je m'eloignai a l'ombre des maisons,
et ayant gagne un quartier ecarte, je m'expo-
sai au rayon de la lune, resigne a apprendre
mon sort de la bouche des passans.

Epargne-moi, mon ami, le douloureux recit
de tout ce qu'il me fallut endurer. Quelques

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tai ma maison et ma suite conformément à ma
fortune actuelle, et j’achetai surtout une quan-
tité de choses inutiles, de bijoux et de pierre-
ries, dans le seul but de me débarrasser d’une
partie du monceau d’or qui me gênait; mais à
peine si la diminution en était sensible.

Je flottais cependant, à l’égard de ce qui
me manquait, dans une incertitude mortelle, je
n’osais sortir de ma chambre et je faisais allu-
mer le soir quarante bougies dans mon salon,
pour ne point rester dans les ténèbres. Je ne
pensais qu’avec effroi à la rencontre des éco-
liers, cependant je voulais, autant que j’en au-
rais le courage, affronter encore une fois les
regards du public et donner à l’opinion l’occa-
sion de se prononcer. La lune éclairait alors
les nuits, je m’enveloppai d’un large manteau,
je rabattis mon chapeau sur mes yeux, et me
glissai, tremblant comme un malfaiteur, hors de
l’hôtel. Je m’éloignai à l’ombre des maisons,
et ayant gagné un quartier écarté, je m’expo-
sai au rayon de la lune, résigné à apprendre
mon sort de la bouche des passans.

Épargne-moi, mon ami, le douloureux récit
de tout ce qu’il me fallut endurer. Quelques

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[19/0037] tai ma maison et ma suite conformément à ma fortune actuelle, et j’achetai surtout une quan- tité de choses inutiles, de bijoux et de pierre- ries, dans le seul but de me débarrasser d’une partie du monceau d’or qui me gênait; mais à peine si la diminution en était sensible. Je flottais cependant, à l’égard de ce qui me manquait, dans une incertitude mortelle, je n’osais sortir de ma chambre et je faisais allu- mer le soir quarante bougies dans mon salon, pour ne point rester dans les ténèbres. Je ne pensais qu’avec effroi à la rencontre des éco- liers, cependant je voulais, autant que j’en au- rais le courage, affronter encore une fois les regards du public et donner à l’opinion l’occa- sion de se prononcer. La lune éclairait alors les nuits, je m’enveloppai d’un large manteau, je rabattis mon chapeau sur mes yeux, et me glissai, tremblant comme un malfaiteur, hors de l’hôtel. Je m’éloignai à l’ombre des maisons, et ayant gagné un quartier écarté, je m’expo- sai au rayon de la lune, résigné à apprendre mon sort de la bouche des passans. Épargne-moi, mon ami, le douloureux récit de tout ce qu’il me fallut endurer. Quelques *

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Zitationshilfe: Chamisso, Adelbert von: MERVEILLEUSE HISTOIRE DE PIERRE SCHLÉMIHL. Paris, 1838, S. 19. In: Deutsches Textarchiv <https://www.deutschestextarchiv.de/19_ZZ_2786/37>, abgerufen am 21.11.2024.