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Varnhagen von Ense, Karl August: Denkwürdigkeiten und vermischte Schriften. Bd. 1. Mannheim, 1837.

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Geneve, 10. Aout 1832.

Permettez-moi, monsieur, de consacrer, dans votre
Revue , un souvenir a la memoire de Louis Robert, de
Berlin, qu'une mort prematuree vient d'enlever a ses amis.
Il n'y a pas encore six semaines que, nous promenant sous
les delicieux ombrages de Baden-Bade, nous devisions en¬
semble sur la poesie et la litterature germaniques. Gra¬
vissant ces montagnes herissees de noirs sapins, au milieu
de ruines pittoresques des chateaux du moyen age, il me
lisait des vers que lui avaient inspires les
Orientales de
Victor Hugo, et se plaisait a me faire remarquer la sin¬
guliere facilite avec laquelle la langue allemande peut
s'approprier les beautes de nos chefs-d'oevre romantiques;
quelquefois, par une transition soudaine, s'elancat des
regions de la poesie a celles de la philosophie, il me
commentait des passages de Fichte, dont il avoit ete le
disciple et l'ami. Sa conversation etait tout-a-la-fois pi¬
quante et instructive, son esprit aimable et enjoue, il y
avait de la finesse dans ses observations et de l'atticisme
dans ses critiques; mais elles glissaient sur le individus
sans faire grace aux ridicules. Robert appartenait au passe
par les goauts et les liaisons de sa jeunesse. Veteran de
l'ecole de Goethe et de Tieck, dont il se montrait l'admi¬
rateur passionne il avoit milite pour eux, pendant vingt
ans, dans les feuilles litteraires, comme une soldat qui
defend ses chefs et ses drapeaux. Il a compose plusieurs
comedies: l'une d'elle,
die Ueberbildeten , dont le canevas
est tire des
Precieuses ridicules de Moliere, mais revetu de
couleurs empruntees aux moeurs et aux localites allemandes,
a ete jouee, pour la premiere fois avec beaucoup de sucies,

Genève, 10. Aout 1832.

Permettez-moi, monsieur, de consacrer, dans votre
Revue , un souvenir à la mèmoire de Louis Robert, de
Berlin, qu'une mort prèmaturée vient d'enlever à ses amis.
Il n'y a pas encore six semaines que, nous promenant sous
les délicieux ombrages de Baden-Bade, nous devisions en¬
semble sur la poésie et la littérature germaniques. Gra¬
vissant ces montagnes hérissées de noirs sapins, au milieu
de ruines pittoresques des châteaux du moyen âge, il me
lisait des vers que lui avaient inspirés les
Orientales de
Victor Hugo, et se plaisait a me faire remarquer la sin¬
gulière facilite avec laquelle la langue allemande peut
s'approprier les beautés de nos chefs-d'oevre romantiques;
quelquefois, par une transition soudaine, s'élançat des
régions de la poésie à celles de la philosophie, il me
commentait des passages de Fichte, dont il avoit èté le
disciple et l’ami. Sa conversation ètait tout-à-la-fois pi¬
quante et instructive, son esprit aimable et enjoué, il y
avait de la finesse dans ses observations et de l'atticisme
dans ses critiques; mais elles glissaient sur le individus
sans faire grâce aux ridicules. Robert appartenait au passé
par les goûts et les liaisons de sa jeunesse. Vèteran de
l’ecole de Gœthe et de Tieck, dont il se montrait l'admi¬
rateur passionné il avoit milité pour eux, pendant vingt
ans, dans les feuilles littéraires, comme une soldat qui
défend ses chefs et ses drapeaux. Il a composé plusieurs
comédies: l'une d'elle,
die Ueberbildeten , dont le canevas
est tiré des
Précieuses ridicules de Molière, mais revêtu de
couleurs empruntées aux mœurs et aux localites allemandes,
a été jouée, pour la première fois avec beaucoup de sucies,

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[342/0356] Genève, 10. Aout 1832. Permettez-moi, monsieur, de consacrer, dans votre Revue , un souvenir à la mèmoire de Louis Robert, de Berlin, qu'une mort prèmaturée vient d'enlever à ses amis. Il n'y a pas encore six semaines que, nous promenant sous les délicieux ombrages de Baden-Bade, nous devisions en¬ semble sur la poésie et la littérature germaniques. Gra¬ vissant ces montagnes hérissées de noirs sapins, au milieu de ruines pittoresques des châteaux du moyen âge, il me lisait des vers que lui avaient inspirés les Orientales de Victor Hugo, et se plaisait a me faire remarquer la sin¬ gulière facilite avec laquelle la langue allemande peut s'approprier les beautés de nos chefs-d'oevre romantiques; quelquefois, par une transition soudaine, s'élançat des régions de la poésie à celles de la philosophie, il me commentait des passages de Fichte, dont il avoit èté le disciple et l’ami. Sa conversation ètait tout-à-la-fois pi¬ quante et instructive, son esprit aimable et enjoué, il y avait de la finesse dans ses observations et de l'atticisme dans ses critiques; mais elles glissaient sur le individus sans faire grâce aux ridicules. Robert appartenait au passé par les goûts et les liaisons de sa jeunesse. Vèteran de l’ecole de Gœthe et de Tieck, dont il se montrait l'admi¬ rateur passionné il avoit milité pour eux, pendant vingt ans, dans les feuilles littéraires, comme une soldat qui défend ses chefs et ses drapeaux. Il a composé plusieurs comédies: l'une d'elle, die Ueberbildeten , dont le canevas est tiré des Précieuses ridicules de Molière, mais revêtu de couleurs empruntées aux mœurs et aux localites allemandes, a été jouée, pour la première fois avec beaucoup de sucies,

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Zitationshilfe: Varnhagen von Ense, Karl August: Denkwürdigkeiten und vermischte Schriften. Bd. 1. Mannheim, 1837, S. 342. In: Deutsches Textarchiv <https://www.deutschestextarchiv.de/varnhagen_denkwuerdigkeiten01_1837/356>, abgerufen am 22.11.2024.