Sans savoir si je songe, ou si c'est un reveil, Je vois, ou je crois voir, une Terre, un Soleil, Des Monts couverts de bois, des Collines fleuries, Des Fleuves argentez, de riantes Prairies. J' entends meler ou bruit des Eaux La charmante voix des Oiseaux! Sont-ce de douces Reveries? J'ignore tout, & rien ne m'est connau! Attentif, etonne, je regarde, j'ecoute, Quei suis-je? Ou suis-je? Et d' ou suis-je venu? Qu'arrive-t-il en moi? Je balance, je doute. D'une chose pourtant je ne saurois douter; Je crois voir, je crois ecouter.
Posez qu'un Jupiter ait, par le Dieu des songes, Produit, pour me tromper, mille & mille mensonges: Assurement je ne suis point trompe Quand de ces vains objets je crois etre occupe. Oui, oui, Pyrrhoniens, indociles Sceptiques, Indifferens Academiques, On peut trouver le Vrai, l'Esprit en est frappe. Que des Fictions chimeriques, Des illusions fantastiques Viennent a mon Esprit se montret sous des traits Qui n' ont jamais ete, qui ne seront jamais; Il est certain qu'en moi j'en ai l' apercevance. J'irai jusqu'a douter, qu'il soit rien au dehors, A douter si j'aj meme un Corps.
Mai[s]
De l’Eſprit et du Corpſ.
Sans ſavoir ſi je ſonge, ou ſi c’eſt un réveil, Je vois, ou je crois voir, une Terre, un Soleil, Des Monts couverts de bois, des Collines fleuries, Des Fleuves argentez, de riantes Prairies. J’ entends mêler ou bruit des Eaux La charmante voix des Oiſeaux! Sont-ce de douces Reveries? J’ignore tout, & rien ne m’eſt connû! Attentif, étonné, je regarde, j’écoute, Quî ſuis-je? Où ſuis-je? Et d’ où ſuis-je venu? Qu’arrive-t-il en moi? Je balance, je doute. D’une choſe pourtant je ne ſaurois douter; Je crois voir, je crois écouter.
Poſez qu’un Jupiter ait, par le Dieu des ſonges, Produit, pour me tromper, mille & mille menſonges: Aſſùrément je ne ſuis point trompé Quand de ces vains objets je crois être occupé. Oui, oui, Pyrrhoniens, indociles Sceptiques, Indifferens Academiques, On peut trouver le Vrai, l’Eſprit en eſt frappé. Que des Fictions chimeriques, Des illuſions fantaſtiques Viennent à mon Eſprit ſe montret ſous des traits Qui n’ ont jamais été, qui ne ſeront jamais; Il eſt certain qu’en moi j’en ai l’ apercevance. J’irai jusqu’à douter, qu’il ſoit rien au dehors, A douter ſi j’aj même un Corps.
Mai[ſ]
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De l’Eſprit et du Corpſ.
Sans ſavoir ſi je ſonge, ou ſi c’eſt un réveil,
Je vois, ou je crois voir, une Terre, un Soleil,
Des Monts couverts de bois, des Collines fleuries,
Des Fleuves argentez, de riantes Prairies.
J’ entends mêler ou bruit des Eaux
La charmante voix des Oiſeaux!
Sont-ce de douces Reveries?
J’ignore tout, & rien ne m’eſt connû!
Attentif, étonné, je regarde, j’écoute,
Quî ſuis-je? Où ſuis-je? Et d’ où ſuis-je venu?
Qu’arrive-t-il en moi? Je balance, je doute.
D’une choſe pourtant je ne ſaurois douter;
Je crois voir, je crois écouter.
Poſez qu’un Jupiter ait, par le Dieu des ſonges,
Produit, pour me tromper, mille & mille menſonges:
Aſſùrément je ne ſuis point trompé
Quand de ces vains objets je crois être occupé.
Oui, oui, Pyrrhoniens, indociles Sceptiques,
Indifferens Academiques,
On peut trouver le Vrai, l’Eſprit en eſt frappé.
Que des Fictions chimeriques,
Des illuſions fantaſtiques
Viennent à mon Eſprit ſe montret ſous des traits
Qui n’ ont jamais été, qui ne ſeront jamais;
Il eſt certain qu’en moi j’en ai l’ apercevance.
J’irai jusqu’à douter, qu’il ſoit rien au dehors,
A douter ſi j’aj même un Corps.
Maiſ
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Brockes, Barthold Heinrich: Herrn B. H. Brockes, [...] verdeutschte Grund-Sätze der Welt-Weisheit, des Herrn Abts Genest. Bd. 3. 2. Aufl. Hamburg, 1730, S. 30. In: Deutsches Textarchiv <https://www.deutschestextarchiv.de/brockes_vergnuegen03_1730/60>, abgerufen am 27.07.2024.
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