mon ombre a la richesse. -- Que pouvais-je faire desormais sur la terre?
Je n'etais pas encore revenu de mon trou- ble, lorsque la voiture s'arreta devant mon au- berge; l'aspect de cette masure m'indigna, j'au- rais rougi de remettre le pied dans le mise- rable grenier ou j'etais loge. J'en fis sur-le- champ descendre ma valise, je la recus avec dedain, laissai tomber quelques pieces d'or, et ordonnai de me conduire au plus brillant hotel de la ville. Cette maison etait exposee au nord, et je n'avais rien a y craindre du soleil; je donnai de l'or au cocher, je me fis ouvrir le plus bel appartement, et je m'y enfermai des que j'y fus seul.
Et que penses-tu que je fisse alors! O, mon cher Adelbert, en te l'avouant la rougeur me couvre le visage. Je tirai la malheureuse bourse de mon sein, et avec une sorte de fu- reur, semblable au delire toujours croissant de ces fievres ardentes, qui s'alimentent par leur propre malignite, j'y puisai de l'or, encore de l'or, sans cesse de l'or. Je le repandais sur le plancher, je l'amoncelais autour de moi, je fai- sais sonner celui que le retirais sans interru-
mon ombre à la richesse. — Que pouvais-je faire désormais sur la terre?
Je n’étais pas encore revenu de mon trou- ble, lorsque la voiture s’arrêta devant mon au- berge; l’aspect de cette masure m’indigna, j’au- rais rougi de remettre le pied dans le misé- rable grenier où j’étais logé. J’en fis sur-le- champ descendre ma valise, je la reçus avec dédain, laissai tomber quelques pièces d’or, et ordonnai de me conduire au plus brillant hôtel de la ville. Cette maison était exposée au nord, et je n’avais rien à y craindre du soleil; je donnai de l’or au cocher, je me fis ouvrir le plus bel appartement, et je m’y enfermai dès que j’y fus seul.
Et que penses-tu que je fisse alors! O, mon cher Adelbert, en te l’avouant la rougeur me couvre le visage. Je tirai la malheureuse bourse de mon sein, et avec une sorte de fu- reur, semblable au délire toujours croissant de ces fièvres ardentes, qui s’alimentent par leur propre malignité, j’y puisai de l’or, encore de l’or, sans cesse de l’or. Je le répandais sur le plancher, je l’amoncelais autour de moi, je fai- sais sonner celui que le retirais sans interru-
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mon ombre à la richesse. — Que pouvais-je
faire désormais sur la terre?
Je n’étais pas encore revenu de mon trou-
ble, lorsque la voiture s’arrêta devant mon au-
berge; l’aspect de cette masure m’indigna, j’au-
rais rougi de remettre le pied dans le misé-
rable grenier où j’étais logé. J’en fis sur-le-
champ descendre ma valise, je la reçus avec
dédain, laissai tomber quelques pièces d’or, et
ordonnai de me conduire au plus brillant hôtel
de la ville. Cette maison était exposée au nord,
et je n’avais rien à y craindre du soleil; je
donnai de l’or au cocher, je me fis ouvrir le
plus bel appartement, et je m’y enfermai dès
que j’y fus seul.
Et que penses-tu que je fisse alors! O,
mon cher Adelbert, en te l’avouant la rougeur
me couvre le visage. Je tirai la malheureuse
bourse de mon sein, et avec une sorte de fu-
reur, semblable au délire toujours croissant de
ces fièvres ardentes, qui s’alimentent par leur
propre malignité, j’y puisai de l’or, encore de
l’or, sans cesse de l’or. Je le répandais sur le
plancher, je l’amoncelais autour de moi, je fai-
sais sonner celui que le retirais sans interru-
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Chamisso, Adelbert von: MERVEILLEUSE HISTOIRE DE PIERRE SCHLÉMIHL. Paris, 1838, S. 16. In: Deutsches Textarchiv <https://www.deutschestextarchiv.de/19_ZZ_2786/34>, abgerufen am 16.02.2025.
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