croyais rever; je me mordis la langue pour m'e- veiller; mais je ne dormais pas. Je fermai les yeux pour rassembler mes idees, les syllabes d'un langage qui m'etait tout-a-fait inconnu, frapperent mon oreille. Je levai les yeux, deux Chinois (la coupe asiatique de leur visage me forcait d'ajouter foi a leur costume), deux Chi- nois m'adressaient la parole avec les genuflexions usitees dans leur pays. Je me levai et recu- lai de deux pas, je ne les revis plus; le pay- sage avait change, des bois avaient remplace les rizieres: je considerai les arbres voisins, je crus reconnaeitre des productions de l'Asie et des Indes orientales; je voulus m'approcher d'un de ces arbres; -- une jambe en avant et tout avait encore change. Alors, je me mis a marcher a pas comptes, comme un recrue que l'on exerce, regardant avec admiration autour de moi. De fertiles plaines, de braulans deserts de sable, des savanes, des forets, des montagnes cou- vertes de neiges, se deroulaient successivement et rapidement a mes regards etonnes. Je n'en pouvais plus douter, j'avais a mes pieds des bottes de sept lieues.
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croyais rêver; je me mordis la langue pour m’é- veiller; mais je ne dormais pas. Je fermai les yeux pour rassembler mes idées, les syllabes d’un langage qui m’était tout-à-fait inconnu, frappèrent mon oreille. Je levai les yeux, deux Chinois (la coupe asiatique de leur visage me forçait d’ajouter foi à leur costume), deux Chi- nois m’adressaient la parole avec les génuflexions usitées dans leur pays. Je me levai et recu- lai de deux pas, je ne les revis plus; le pay- sage avait changé, des bois avaient remplacé les rizières: je considérai les arbres voisins, je crus reconnaître des productions de l’Asie et des Indes orientales; je voulus m’approcher d’un de ces arbres; — une jambe en avant et tout avait encore changé. Alors, je me mis à marcher à pas comptés, comme un recrue que l’on exerce, regardant avec admiration autour de moi. De fertiles plaines, de brûlans déserts de sable, des savanes, des forêts, des montagnes cou- vertes de neiges, se déroulaient successivement et rapidement à mes regards étonnés. Je n’en pouvais plus douter, j’avais à mes pieds des bottes de sept lieues.
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croyais rêver; je me mordis la langue pour m’é-
veiller; mais je ne dormais pas. Je fermai les
yeux pour rassembler mes idées, les syllabes
d’un langage qui m’était tout-à-fait inconnu,
frappèrent mon oreille. Je levai les yeux, deux
Chinois (la coupe asiatique de leur visage me
forçait d’ajouter foi à leur costume), deux Chi-
nois m’adressaient la parole avec les génuflexions
usitées dans leur pays. Je me levai et recu-
lai de deux pas, je ne les revis plus; le pay-
sage avait changé, des bois avaient remplacé
les rizières: je considérai les arbres voisins, je
crus reconnaître des productions de l’Asie et des
Indes orientales; je voulus m’approcher d’un de
ces arbres; — une jambe en avant et tout avait
encore changé. Alors, je me mis à marcher à
pas comptés, comme un recrue que l’on exerce,
regardant avec admiration autour de moi. De
fertiles plaines, de brûlans déserts de sable,
des savanes, des forêts, des montagnes cou-
vertes de neiges, se déroulaient successivement
et rapidement à mes regards étonnés. Je n’en
pouvais plus douter, j’avais à mes pieds des
bottes de sept lieues.
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Chamisso, Adelbert von: MERVEILLEUSE HISTOIRE DE PIERRE SCHLÉMIHL. Paris, 1838, S. 105. In: Deutsches Textarchiv <https://www.deutschestextarchiv.de/19_ZZ_2786/133>, abgerufen am 23.07.2024.
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