De quoi serviraient des ailes a qui gemirait dans les fers, elles ne feraient qu'accroeitre son desespoir. J'etais, comme le dragon qui couve son tresor, depourvu de toute consolation hu- maine, et miserable au sein de mes richesses; je les maudissais comme une barriere qui me separait du reste des mortels. Seul, renfermant au-dedans de moi-meme mon funeste secret, re- duit a craindre le moindre de mes valets, et a envier son sort, car il pouvait se montrer au soleil et reflechir devant lui son ombre, j'aigris- sais ma douleur en y revant sans cesse. Je ne sortais ni jour ni nuit de mon appartement; le desespoir peu a peu s'emparait de mon coeur, il le brisait, il allait l'aneantir.
J'avais un ami cependant, qui, sous mes yeux, se consumait aussi de chagrin: c'etait mon fidele Bendel, qui ne cessait de s'accuser d'avoir trompe ma confiance en ne reconnaissant pas l'homme dont je l'avais charge de s'informer, et
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III.
De quoi serviraient des ailes à qui gémirait dans les fers, elles ne feraient qu’accroître son désespoir. J’étais, comme le dragon qui couve son trésor, dépourvu de toute consolation hu- maine, et misérable au sein de mes richesses; je les maudissais comme une barrière qui me séparait du reste des mortels. Seul, renfermant au-dedans de moi-même mon funeste secret, ré- duit à craindre le moindre de mes valets, et à envier son sort, car il pouvait se montrer au soleil et réfléchir devant lui son ombre, j’aigris- sais ma douleur en y rêvant sans cesse. Je ne sortais ni jour ni nuit de mon appartement; le désespoir peu à peu s’emparait de mon coeur, il le brisait, il allait l’anéantir.
J’avais un ami cependant, qui, sous mes yeux, se consumait aussi de chagrin: c’était mon fidèle Bendel, qui ne cessait de s’accuser d’avoir trompé ma confiance en ne reconnaissant pas l’homme dont je l’avais chargé de s’informer, et
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[[25]/0043]
III.
De quoi serviraient des ailes à qui gémirait
dans les fers, elles ne feraient qu’accroître son
désespoir. J’étais, comme le dragon qui couve
son trésor, dépourvu de toute consolation hu-
maine, et misérable au sein de mes richesses;
je les maudissais comme une barrière qui me
séparait du reste des mortels. Seul, renfermant
au-dedans de moi-même mon funeste secret, ré-
duit à craindre le moindre de mes valets, et à
envier son sort, car il pouvait se montrer au
soleil et réfléchir devant lui son ombre, j’aigris-
sais ma douleur en y rêvant sans cesse. Je ne
sortais ni jour ni nuit de mon appartement; le
désespoir peu à peu s’emparait de mon coeur,
il le brisait, il allait l’anéantir.
J’avais un ami cependant, qui, sous mes
yeux, se consumait aussi de chagrin: c’était mon
fidèle Bendel, qui ne cessait de s’accuser d’avoir
trompé ma confiance en ne reconnaissant pas
l’homme dont je l’avais chargé de s’informer, et
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Chamisso, Adelbert von: MERVEILLEUSE HISTOIRE DE PIERRE SCHLÉMIHL. Paris, 1838, S. [25]. In: Deutsches Textarchiv <https://www.deutschestextarchiv.de/19_ZZ_2786/43>, abgerufen am 23.07.2024.
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