Saurement, Monsieur, le sentiment de gratitude envers un beau genie, qui a eleve votre ame, touche votre coeur, etonne votre imagination, et satisfait ee sentiment moral, inne au fond de notre etre, ne vous est pas inconnu; de beaux genies vous ont aussi ravi -- vous les avez aimes -- vous savez que dans cette disposition d'ame on voudrait voir ceux, qu'on admire, admires et applaudis des autres comme ils le sont de nous- memes, ou voudrait surtout leur prouver, qu'ils ont ete com- pris, goautes, par une intelligence qui les a saisis ou devines. C'est ce sentiment d'admiration presque tourmentant, qui ef- face en moi, dans ce moment, le sentiment de ma personna- lite inferieure et chetive. C'est une femme allemande, qui vous ecrit, Monsieur, apres avoir lu Notre-Dame de Paris. Quelle conception toute nouvelle! quel demon d'inspiration est alle loger dans votre ame! comme vous avez pris possession de ce chef-d'oeuvre d'architecture! car vous vous etes fait l'ame de Notre-Dame de Paris; et c'est selon moi, le grand merite de votre ouvrage, le point de conception tout-nouveau. Aussi ne comprenais-je rien dans le premier volume: je me fachais contre vous, ne voyant paraeitre aucun personnage! et c'est ce que j'admire le plus aujourd'hui. Votre ouvrage est lui-meme comme un grand chef-d'oeuvre d'architecture go- thique, que notre petite imagination ne comprend pas tout de suite, -- gatee comme elle l'est, par toute une atmosphere de prejuges dans laquelle elle vit. -- Aussi votre poeme, comme
A Victor Hugo, à Paris.
Berlin, avril 1831.
Sûrement, Monsieur, le sentiment de gratitude envers un beau génie, qui a élevé votre âme, touché votre coeur, étonné votre imagination, et satisfait ee sentiment moral, inné au fond de notre être, ne vous est pas inconnu; de beaux génies vous ont aussi ravi — vous les avez aimés — vous savez que dans cette disposition d’âme on voudrait voir ceux, qu’on admire, admirés et applaudis des autres comme ils le sont de nous- mêmes, ou voudrait surtout leur prouver, qu’ils ont été com- pris, goûtés, par une intelligence qui les a saisis ou devinés. C’est ce sentiment d’admiration presque tourmentant, qui ef- face en moi, dans ce moment, le sentiment de ma personna- lité inférieure et chétive. C’est une femme allemande, qui vous écrit, Monsieur, après avoir lu Notre-Dame de Paris. Quelle conception toute nouvelle! quel démon d’inspiration est allé loger dans votre âme! comme vous avez pris possession de ce chef-d’oeuvre d’architecture! car vous vous êtes fait l’âme de Notre-Dame de Paris; et c’est selon moi, le grand mérite de votre ouvrage, le point de conception tout-nouveau. Aussi ne comprenais-je rien dans le premier volume: je me fachais contre vous, ne voyant paraître aucun personnage! et c’est ce que j’admire le plus aujourd’hui. Votre ouvrage est lui-même comme un grand chef-d’oeuvre d’architecture go- thique, que notre petite imagination ne comprend pas tout de suite, — gâtée comme elle l’est, par toute une atmosphère de préjugés dans laquelle elle vit. — Aussi votre poème, comme
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A Victor Hugo, à Paris.
Berlin, avril 1831.
Sûrement, Monsieur, le sentiment de gratitude envers un
beau génie, qui a élevé votre âme, touché votre coeur, étonné
votre imagination, et satisfait ee sentiment moral, inné au fond
de notre être, ne vous est pas inconnu; de beaux génies vous
ont aussi ravi — vous les avez aimés — vous savez que dans
cette disposition d’âme on voudrait voir ceux, qu’on admire,
admirés et applaudis des autres comme ils le sont de nous-
mêmes, ou voudrait surtout leur prouver, qu’ils ont été com-
pris, goûtés, par une intelligence qui les a saisis ou devinés.
C’est ce sentiment d’admiration presque tourmentant, qui ef-
face en moi, dans ce moment, le sentiment de ma personna-
lité inférieure et chétive. C’est une femme allemande, qui
vous écrit, Monsieur, après avoir lu Notre-Dame de Paris.
Quelle conception toute nouvelle! quel démon d’inspiration est
allé loger dans votre âme! comme vous avez pris possession
de ce chef-d’oeuvre d’architecture! car vous vous êtes fait
l’âme de Notre-Dame de Paris; et c’est selon moi, le grand
mérite de votre ouvrage, le point de conception tout-nouveau.
Aussi ne comprenais-je rien dans le premier volume: je me
fachais contre vous, ne voyant paraître aucun personnage! et
c’est ce que j’admire le plus aujourd’hui. Votre ouvrage est
lui-même comme un grand chef-d’oeuvre d’architecture go-
thique, que notre petite imagination ne comprend pas tout de
suite, — gâtée comme elle l’est, par toute une atmosphère de
préjugés dans laquelle elle vit. — Aussi votre poème, comme
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Varnhagen von Ense, Rahel: Rahel. Ein Buch des Andenkens für ihre Freunde. Bd. 3. Berlin, 1834, S. 494. In: Deutsches Textarchiv <https://www.deutschestextarchiv.de/varnhagen_rahel03_1834/502>, abgerufen am 25.11.2024.
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