ment; je le sais, mon enfant, et je ne t'en fais point de reproches. Je l'ai cheri moi-meme tant que je l'ai pris pour un grand seigneur. Mais, considere comment les choses ont change. Quoi! le dernier manant, jusqu'au moindre bar- bet, chacun a son ombre, en ce monde; et ma fille unique aurait ete l'epouse d'un homme .... Non, tu ne penses plus certainement a lui. Ecoute, Mina: Un homme qui ne craint pas le soleil, un honnete homme, qui n'est pas, a la verite, un prince, mais qui a dix millions de bien, (dix fois autant que tu n'en possedes toi-meme) recherche ta main. Un homme qui rendra ma chere fille heureuse. Ne me reponds rien; ne me resiste pas; sois ma fille bien ai- mee, ma fille soumise. Obeis. Laisse ton pere veiller a tes interets, regler ton sort et secher tes larmes. Promets-moi de donner ta main a M. Rascal, dis, veux-tu me le promettre ...?"
Elle repondit d'une voix mourante: "Je n'ai plus aucun desir sur la terre. Que la volonte de mon pere decide de mon sort."
Aussitot on annonca M. Rascal. Il se pre- senta d'un air assure. Mina perdit l'usage de ses sens. Mon diabolique compagnon me regar-
ment; je le sais, mon enfant, et je ne t’en fais point de reproches. Je l’ai chéri moi-même tant que je l’ai pris pour un grand seigneur. Mais, considère comment les choses ont changé. Quoi! le dernier manant, jusqu’au moindre bar- bet, chacun a son ombre, en ce monde; et ma fille unique aurait été l’épouse d’un homme .... Non, tu ne penses plus certainement à lui. Ecoute, Mina: Un homme qui ne craint pas le soleil, un honnête homme, qui n’est pas, à la vérité, un prince, mais qui a dix millions de bien, (dix fois autant que tu n’en possèdes toi-même) recherche ta main. Un homme qui rendra ma chère fille heureuse. Ne me réponds rien; ne me résiste pas; sois ma fille bien ai- mée, ma fille soumise. Obéis. Laisse ton père veiller à tes intérêts, régler ton sort et sécher tes larmes. Promets-moi de donner ta main à M. Rascal, dis, veux-tu me le promettre …?»
Elle répondit d’une voix mourante: «Je n’ai plus aucun désir sur la terre. Que la volonté de mon père décide de mon sort.»
Aussitôt on annonça M. Rascal. Il se pré- senta d’un air assuré. Mina perdit l’usage de ses sens. Mon diabolique compagnon me regar-
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ment; je le sais, mon enfant, et je ne t’en
fais point de reproches. Je l’ai chéri moi-même
tant que je l’ai pris pour un grand seigneur.
Mais, considère comment les choses ont changé.
Quoi! le dernier manant, jusqu’au moindre bar-
bet, chacun a son ombre, en ce monde; et ma
fille unique aurait été l’épouse d’un homme ....
Non, tu ne penses plus certainement à lui.
Ecoute, Mina: Un homme qui ne craint pas
le soleil, un honnête homme, qui n’est pas, à
la vérité, un prince, mais qui a dix millions
de bien, (dix fois autant que tu n’en possèdes
toi-même) recherche ta main. Un homme qui
rendra ma chère fille heureuse. Ne me réponds
rien; ne me résiste pas; sois ma fille bien ai-
mée, ma fille soumise. Obéis. Laisse ton père
veiller à tes intérêts, régler ton sort et sécher
tes larmes. Promets-moi de donner ta main à
M. Rascal, dis, veux-tu me le promettre …?»
Elle répondit d’une voix mourante: «Je n’ai
plus aucun désir sur la terre. Que la volonté
de mon père décide de mon sort.»
Aussitôt on annonça M. Rascal. Il se pré-
senta d’un air assuré. Mina perdit l’usage de
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Chamisso, Adelbert von: MERVEILLEUSE HISTOIRE DE PIERRE SCHLÉMIHL. Paris, 1838, S. 75. In: Deutsches Textarchiv <https://www.deutschestextarchiv.de/19_ZZ_2786/99>, abgerufen am 23.07.2024.
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