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Chamisso, Adelbert von: MERVEILLEUSE HISTOIRE DE PIERRE SCHLÉMIHL. Paris, 1838.

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a besoin de ce meuble, et vous n'avez que le
tort de ne pas l'avoir senti plutot."

Je poursuivis mon voyage dans la meme
direction, et toutes les commodites de la vie,
ses superfluites, le luxe, la magnificence, re-
vinrent insensiblement m'entourer. Muni d'une
ombre, bien que d'emprunt, je pouvais me mou-
voir sans crainte et sans gene, je jouissais de
ma liberte, et j'inspirais partout le respect que
l'on doit a l'opulence; mais j'avais la mort dans
le coeur. Mon incomprehensible compagnon, qui
partout se donnait lui-meme pour le serviteur
indigne de l'homme du monde le plus riche, etait
d'une complaisance sans bornes; il remplissait
en effet pres de moi les fonctions de valet, avec
un empressement, une intelligence et une dex-
terite qui surpassaient toute idee; c'etait le mo-
dele accompli du valet-de chambre d'un riche.
Mais il ne me quittait pas, et ne cessait d'exer-
cer sur moi son eloquence, affectant toujours la
plus parfaite securite, que je finirais, ne faut-ce
que pour me debarrasser de lui, par conclure
le marche qu'il m'avait propose. Il m'etait en
effet aussi a charge qu'odieux; il me faisait
peur; je m'etais place moi-meme dans sa de-

a besoin de ce meuble, et vous n’avez que le
tort de ne pas l’avoir senti plutôt.»

Je poursuivis mon voyage dans la même
direction, et toutes les commodités de la vie,
ses superfluités, le luxe, la magnificence, re-
vinrent insensiblement m’entourer. Muni d’une
ombre, bien que d’emprunt, je pouvais me mou-
voir sans crainte et sans gêne, je jouissais de
ma liberté, et j’inspirais partout le respect que
l’on doit à l’opulence; mais j’avais la mort dans
le coeur. Mon incompréhensible compagnon, qui
partout se donnait lui-même pour le serviteur
indigne de l’homme du monde le plus riche, était
d’une complaisance sans bornes; il remplissait
en effet près de moi les fonctions de valet, avec
un empressement, une intelligence et une dex-
térité qui surpassaient toute idée; c’était le mo-
dèle accompli du valet-de chambre d’un riche.
Mais il ne me quittait pas, et ne cessait d’exer-
cer sur moi son éloquence, affectant toujours la
plus parfaite sécurité, que je finirais, ne fût-ce
que pour me débarrasser de lui, par conclure
le marché qu’il m’avait proposé. Il m’était en
effet aussi à charge qu’odieux; il me faisait
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[91/0117] a besoin de ce meuble, et vous n’avez que le tort de ne pas l’avoir senti plutôt.» Je poursuivis mon voyage dans la même direction, et toutes les commodités de la vie, ses superfluités, le luxe, la magnificence, re- vinrent insensiblement m’entourer. Muni d’une ombre, bien que d’emprunt, je pouvais me mou- voir sans crainte et sans gêne, je jouissais de ma liberté, et j’inspirais partout le respect que l’on doit à l’opulence; mais j’avais la mort dans le coeur. Mon incompréhensible compagnon, qui partout se donnait lui-même pour le serviteur indigne de l’homme du monde le plus riche, était d’une complaisance sans bornes; il remplissait en effet près de moi les fonctions de valet, avec un empressement, une intelligence et une dex- térité qui surpassaient toute idée; c’était le mo- dèle accompli du valet-de chambre d’un riche. Mais il ne me quittait pas, et ne cessait d’exer- cer sur moi son éloquence, affectant toujours la plus parfaite sécurité, que je finirais, ne fût-ce que pour me débarrasser de lui, par conclure le marché qu’il m’avait proposé. Il m’était en effet aussi à charge qu’odieux; il me faisait peur; je m’étais placé moi-même dans sa dé-

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Zitationshilfe: Chamisso, Adelbert von: MERVEILLEUSE HISTOIRE DE PIERRE SCHLÉMIHL. Paris, 1838, S. 91. In: Deutsches Textarchiv <https://www.deutschestextarchiv.de/19_ZZ_2786/117>, abgerufen am 22.12.2024.