meritoient de l'etre de l'univers entier. Je lui repartis que la beaute dont j'avois le coeur rempli n'avoit besoin que de son propre merite pour recevoir un concert d'aplaudissements universels. Sur quoi, elle me dit, que je devois me distinguer de la multitude et exprimer mes pen- sees qui paroitroient avec plus de grace, si elles etoient embellies de la rime. Je ne cherche lui disois-je aucune beaute ni agremens de mes vers, que venant par reverberation de l'objet qui me les cause; sur quoi la muse me dit: "Je sais que Votre faible voix n'est pas proportionnee a la beaute de l'objet que Vous voulez chanter. J'y suppleerai. Mais prenez un crayon et ecrivez." Je fis ce qu'elle me dit, et voici Madame les vers qu'elle me dicta ou je n'ai rien de propre que les pensees.
Stances.
Charme de Vos divins appas' Et charme de Votre ecriture L'on braveroit tous les trepas Pour Vous voir, Iris, je le jure. Car Vos yeux, dont les loix soumettent tous les coeurs Sont partout reconnus pour maitres et pour vainqueurs.
La vertu et ses loix austeres Dont Vous Vous faites un devoir Vous font, quoique beaute severe, Respecter de notre pouvoir Et cette reunion, si belle mais si rare, A Vous louer toujours fait que l'on se prepare. J'ai l'honneur d'etre, Madame Votre parfait ami et serviteur
Frederic.
IV.
Ce 5 de Sept. 1731.
Madame ma tres chere Cousine!
Je meriterois bien d'etre puni de la maniere la plus enorme, d'avoir blaspheme Votre presence par ma betise, si je n'avois d'assez bonnes ex- cuses, et qui je crois sont valables. Mr. le Comte m'ayant dit beaucoup de choses qui ne me faisoient nullement plaisir et que je ne pouvois digerer si vite. J'ai donc bien raison de Vous demander pardon ma char- mante cousine, de m'avoir conduit si sottement. Vous me permettrez de reparer ma derniere visite par une autre, ou je tacherai, s'il m'est possible d'effacer mon sot maintien. J'aurois lieu de Vous demander en- core mille excuses si je n'etais pleinement convaincu de Votre support et de Votre condescendance. Permettez-moi donc pour cette fois de finir en Vous priant de faire mes complimens a Madame Votre mere et de croire que je suis avec beaucoup de passion et d'estime Madame, ma tres chere Cousine, le tres-humble et parfait ami, cousin et serviteur
Frederic.
meritoient de l’être de l’univers entier. Je lui repartis que la beauté dont j’avois le coeur rempli n’avoit besoin que de son propre mérite pour recevoir un concert d’aplaudissements universels. Sur quoi, elle me dit, que je devois me distinguer de la multitude et exprimer mes pen- sées qui paroitroient avec plus de grace, si elles étoient embellies de la rime. Je ne cherche lui disois-je aucune beauté ni agrémens de mes vers, que venant par reverbération de l’objet qui me les cause; sur quoi la muse me dit: „Je sais que Votre faible voix n’est pas proportionnée à la beauté de l’objet que Vous voulez chanter. J’y suppléerai. Mais prenez un crayon et écrivez.“ Je fis ce qu’elle me dit, et voici Madame les vers qu’elle me dicta où je n’ai rien de propre que les pensées.
Stances.
Charmé de Vos divins appas’ Et charmé de Votre écriture L’on braveroit tous les trépas Pour Vous voir, Iris, je le jure. Car Vos yeux, dont les loix soumettent tous les coeurs Sont partout reconnus pour maitres et pour vainqueurs.
La vertu et ses loix austères Dont Vous Vous faites un devoir Vous font, quoique beauté sévére, Respecter de notre pouvoir Et cette réunion, si belle mais si rare, A Vous louer toujours fait que l’on se prépare. J’ai l’honneur d’être, Madame Votre parfait ami et serviteur
Fréderic.
IV.
Ce 5 de Sept. 1731.
Madame ma très chère Cousine!
Je mériterois bien d’être puni de la manière la plus énorme, d’avoir blasphemé Votre présence par ma bêtise, si je n’avois d’assez bonnes ex- cuses, et qui je crois sont valables. Mr. le Comte m’ayant dit beaucoup de choses qui ne me faisoient nullement plaisir et que je ne pouvois digérer si vite. J’ai donc bien raison de Vous demander pardon ma char- mante cousine, de m’avoir conduit si sottement. Vous me permettrez de reparer ma dernière visite par une autre, où je tâcherai, s’il m’est possible d’effacer mon sot maintien. J’aurois lieu de Vous demander en- core mille excuses si je n’étais pleinement convaincu de Votre support et de Votre condescendance. Permettez-moi donc pour cette fois de finir en Vous priant de faire mes complimens à Madame Votre mère et de croire que je suis avec beaucoup de passion et d’estime Madame, ma très chère Cousine, le très-humble et parfait ami, cousin et serviteur
Fréderic.
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meritoient de l’être de l’univers entier. Je lui repartis que la beauté
dont j’avois le coeur rempli n’avoit besoin que de son propre mérite
pour recevoir un concert d’aplaudissements universels. Sur quoi, elle me
dit, que je devois me distinguer de la multitude et exprimer mes pen-
sées qui paroitroient avec plus de grace, si elles étoient embellies de la
rime. Je ne cherche lui disois-je aucune beauté ni agrémens de mes
vers, que venant par reverbération de l’objet qui me les cause; sur quoi
la muse me dit: „Je sais que Votre faible voix n’est pas proportionnée
à la beauté de l’objet que Vous voulez chanter. J’y suppléerai. Mais
prenez un crayon et écrivez.“ Je fis ce qu’elle me dit, et voici Madame
les vers qu’elle me dicta où je n’ai rien de propre que les pensées.
Stances.
Charmé de Vos divins appas’
Et charmé de Votre écriture
L’on braveroit tous les trépas
Pour Vous voir, Iris, je le jure.
Car Vos yeux, dont les loix soumettent tous les coeurs
Sont partout reconnus pour maitres et pour vainqueurs.
La vertu et ses loix austères
Dont Vous Vous faites un devoir
Vous font, quoique beauté sévére,
Respecter de notre pouvoir
Et cette réunion, si belle mais si rare,
A Vous louer toujours fait que l’on se prépare.
J’ai l’honneur d’être, Madame Votre parfait ami et serviteur
Fréderic.
IV.
Ce 5 de Sept. 1731.
Madame ma très chère Cousine!
Je mériterois bien d’être puni de la manière la plus énorme, d’avoir
blasphemé Votre présence par ma bêtise, si je n’avois d’assez bonnes ex-
cuses, et qui je crois sont valables. Mr. le Comte m’ayant dit beaucoup
de choses qui ne me faisoient nullement plaisir et que je ne pouvois
digérer si vite. J’ai donc bien raison de Vous demander pardon ma char-
mante cousine, de m’avoir conduit si sottement. Vous me permettrez
de reparer ma dernière visite par une autre, où je tâcherai, s’il m’est
possible d’effacer mon sot maintien. J’aurois lieu de Vous demander en-
core mille excuses si je n’étais pleinement convaincu de Votre support
et de Votre condescendance. Permettez-moi donc pour cette fois de finir
en Vous priant de faire mes complimens à Madame Votre mère et de
croire que je suis avec beaucoup de passion et d’estime Madame, ma
très chère Cousine, le très-humble et parfait ami, cousin et serviteur
Fréderic.
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Kommentar zur DTA-Ausgabe
Fontanes "Wanderungen" erschienen zuerst in Forts… [mehr]
Fontanes "Wanderungen" erschienen zuerst in Fortsetzungen in der Neuen Preußischen (Kreuz-)Zeitung 1859 bzw. im Morgenblatt für gebildete Leser (zwischen 1860 und 1864). Als Buchausgabe erschien der zweite Band "Das Oderland, Barnim, Lebus" 1863 bei W. Hertz in Berlin. In der Folge wurde der Text von Fontane mehrfach überarbeitet und erweitert. Für das DTA wurde die erste Auflage der Buchausgabe digitalisiert.
Fontane, Theodor: Wanderungen durch die Mark Brandenburg. Bd. 2: Das Oderland. Berlin, 1863, S. 517. In: Deutsches Textarchiv <https://www.deutschestextarchiv.de/fontane_brandenburg02_1863/529>, abgerufen am 16.02.2025.
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