Chamisso, Adelbert von: MERVEILLEUSE HISTOIRE DE PIERRE SCHLÉMIHL. Paris, 1838.Cependant, une ombre qui ressemblait assez a L'ombre, a ce brusque mouvement, prit la Cependant, une ombre qui ressemblait assez à L’ombre, à ce brusque mouvement, prit la <TEI> <text> <body> <div n="1"> <p><pb facs="#f0091" n="67"/> Cependant, une ombre qui ressemblait assez à<lb/> la mienne, glissait devant moi sur le sable, et<lb/> semblait allant ainsi seule, avoir perdu celui<lb/> à qui elle appartenait. Cette vue éveilla toute<lb/> ma cupidité. «Ombre! m’écriai-je, si tu cher-<lb/> ches ton maître, je veux t’en servir.» Et je<lb/> m’élancai vers elle pour m’en emparer; car je<lb/> pensais que si je réussissais à marcher dans<lb/> ses traces, de façon à ce qu’elle vînt juste à<lb/> mes pieds, elle y resterait sans doute attachée,<lb/> et pourrait, avec le temps, finir par s’accoutu-<lb/> mer à moi.</p><lb/> <p>L’ombre, à ce brusque mouvement, prit la<lb/> fuite devant moi, et je la poursuivis. La chasse<lb/> que je donnai à cette proie légère exigeait une<lb/> vitesse et des forces que je ne pus trouver que<lb/> dans l’espoir de finir en un instant tous mes<lb/> maux. L’ombre fuyait vers une forêt qui était<lb/> encore èloignée, mais dans l’épaisseur de la-<lb/> quelle j’allais la perdre; je le sentais, et l’eff-<lb/> roi qui me saisit à cette idée, redoubla mon<lb/> ardeur. Je gagnais visiblement du terrain; je<lb/> m’approchais d’elle; j’allais l’atteindre. Tout-à-<lb/> coup elle s’arrête et se retourne vers moi. Comme<lb/> un lion qui se précipite sur sa proie, je m’é-<lb/></p> </div> </body> </text> </TEI> [67/0091]
Cependant, une ombre qui ressemblait assez à
la mienne, glissait devant moi sur le sable, et
semblait allant ainsi seule, avoir perdu celui
à qui elle appartenait. Cette vue éveilla toute
ma cupidité. «Ombre! m’écriai-je, si tu cher-
ches ton maître, je veux t’en servir.» Et je
m’élancai vers elle pour m’en emparer; car je
pensais que si je réussissais à marcher dans
ses traces, de façon à ce qu’elle vînt juste à
mes pieds, elle y resterait sans doute attachée,
et pourrait, avec le temps, finir par s’accoutu-
mer à moi.
L’ombre, à ce brusque mouvement, prit la
fuite devant moi, et je la poursuivis. La chasse
que je donnai à cette proie légère exigeait une
vitesse et des forces que je ne pus trouver que
dans l’espoir de finir en un instant tous mes
maux. L’ombre fuyait vers une forêt qui était
encore èloignée, mais dans l’épaisseur de la-
quelle j’allais la perdre; je le sentais, et l’eff-
roi qui me saisit à cette idée, redoubla mon
ardeur. Je gagnais visiblement du terrain; je
m’approchais d’elle; j’allais l’atteindre. Tout-à-
coup elle s’arrête et se retourne vers moi. Comme
un lion qui se précipite sur sa proie, je m’é-
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