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Chamisso, Adelbert von: MERVEILLEUSE HISTOIRE DE PIERRE SCHLÉMIHL. Paris, 1838.

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de l'inconnu et a mon refus obstine, je ne trou-
vais que chaos dans mon esprit; je n'avais plus
la faculte de comparer ni de juger.

Le jour s'ecoula. J'apaisai ma faim avec
des fruits sauvages; ma soif dans un torrent
de la montagne. La nuit arriva; je la passai
au pied d'un arbre. La fraeicheur du matin me
reveilla d'un sommeil penible, epouvante par
les sons convulsifs qui s'echappaient de mon
gosier comme le rale de la mort. Bendel pa-
raissait avoir perdu mes traces, et j'aimais a
me le redire. Farouche comme le cerf des mon-
tagnes, je ne voulais plus retourner parmi les
hommes, dont je fuyais l'aspect. Ainsi se pas-
serent trois jours d'angoisse.

J'etais au matin du quatrieme, dans une
plaine sablonneuse que le soleil inondait de ses
rayons. Etendu sur quelques debris de roche,
j'eprouvais un certain charme dans la sensation
de la chaleur de l'astre du jour; car aujourd'hui
je recherchais son aspect, dont je m'etais prive
si long-temps. Je nourrissais mon coeur de
son desespoir. Tout-a-coup un bruit leger vint
frapper mon oreille; et, pret a fuir, je jetai
les yeux autour de moi. Je n'apercus personne.

de l’inconnu et à mon refus obstiné, je ne trou-
vais que chaos dans mon esprit; je n’avais plus
la faculté de comparer ni de juger.

Le jour s’écoula. J’apaisai ma faim avec
des fruits sauvages; ma soif dans un torrent
de la montagne. La nuit arriva; je la passai
au pied d’un arbre. La fraîcheur du matin me
réveilla d’un sommeil pénible, épouvanté par
les sons convulsifs qui s’échappaient de mon
gosier comme le râle de la mort. Bendel pa-
raissait avoir perdu mes traces, et j’aimais à
me le redire. Farouche comme le cerf des mon-
tagnes, je ne voulais plus retourner parmi les
hommes, dont je fuyais l’aspect. Ainsi se pas-
sèrent trois jours d’angoisse.

J’étais au matin du quatrième, dans une
plaine sablonneuse que le soleil inondait de ses
rayons. Étendu sur quelques débris de roche,
j’éprouvais un certain charme dans la sensation
de la chaleur de l’astre du jour; car aujourd’hui
je recherchais son aspect, dont je m’étais privé
si long-temps. Je nourrissais mon coeur de
son désespoir. Tout-à-coup un bruit léger vint
frapper mon oreille; et, prêt à fuir, je jetai
les yeux autour de moi. Je n’aperçus personne.

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[66/0088] de l’inconnu et à mon refus obstiné, je ne trou- vais que chaos dans mon esprit; je n’avais plus la faculté de comparer ni de juger. Le jour s’écoula. J’apaisai ma faim avec des fruits sauvages; ma soif dans un torrent de la montagne. La nuit arriva; je la passai au pied d’un arbre. La fraîcheur du matin me réveilla d’un sommeil pénible, épouvanté par les sons convulsifs qui s’échappaient de mon gosier comme le râle de la mort. Bendel pa- raissait avoir perdu mes traces, et j’aimais à me le redire. Farouche comme le cerf des mon- tagnes, je ne voulais plus retourner parmi les hommes, dont je fuyais l’aspect. Ainsi se pas- sèrent trois jours d’angoisse. J’étais au matin du quatrième, dans une plaine sablonneuse que le soleil inondait de ses rayons. Étendu sur quelques débris de roche, j’éprouvais un certain charme dans la sensation de la chaleur de l’astre du jour; car aujourd’hui je recherchais son aspect, dont je m’étais privé si long-temps. Je nourrissais mon coeur de son désespoir. Tout-à-coup un bruit léger vint frapper mon oreille; et, prêt à fuir, je jetai les yeux autour de moi. Je n’aperçus personne.

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Zitationshilfe: Chamisso, Adelbert von: MERVEILLEUSE HISTOIRE DE PIERRE SCHLÉMIHL. Paris, 1838, S. 66. In: Deutsches Textarchiv <https://www.deutschestextarchiv.de/19_ZZ_2786/88>, abgerufen am 12.12.2024.