Anmelden (DTAQ) DWDS     dlexDB     CLARIN-D

Chamisso, Adelbert von: MERVEILLEUSE HISTOIRE DE PIERRE SCHLÉMIHL. Paris, 1838.

Bild:
<< vorherige Seite

delire. Je balbutiai qu'une ombre n'etait a la
fin qu'une ombre; qu'on pouvait s'en passer,
et que ce n'etait pas la peine de faire tant de
bruit pour si peu de chose; mais je sentais par-
faitement moi-meme le peu de fondement et le
ridicule de ce que je disais, et je cessai de
parler sans qu'il eaut daigne m'interrompre. "Oui,
j'ai perdu mon ombre, ajoutai-je alors, mais
je puis la retrouver."

Il m'interpela d'un ton menacant: "Dites-
le-moi, Monsieur, comment avez-vous perdu
votre ombre?" Il me fallut de nouveau men-
tir. "Un jour, lui dis-je, un malotru marcha
dessus si lourdement, qu'il y fit un grand trou;
je l'ai donnee a raccommoder, car que ne fait-
on pas pour de l'argent! on devait me la rap-
porter hier.

-- "Fort bien, Monsieur, reprit l'inspecteur
des forets, vous recherchez la main de ma fille,
d'autres y aspirent comme vous: c'est a moi,
en qualite de pere, a decider de son sort. Je
vous donne trois jours pour chercher une ombre;
si d'ici a trois jours vous vous presentez devant
moi avec une ombre qui vous aille bien, vous
serez le bien-venu; mais, je vous le decla-

4*

délire. Je balbutiai qu’une ombre n’était à la
fin qu’une ombre; qu’on pouvait s’en passer,
et que ce n’était pas la peine de faire tant de
bruit pour si peu de chose; mais je sentais par-
faitement moi-même le peu de fondement et le
ridicule de ce que je disais, et je cessai de
parler sans qu’il eût daigné m’interrompre. «Oui,
j’ai perdu mon ombre, ajoutai-je alors, mais
je puis la retrouver.»

Il m’interpela d’un ton menaçant: «Dites-
le-moi, Monsieur, comment avez-vous perdu
votre ombre?» Il me fallut de nouveau men-
tir. «Un jour, lui dis-je, un malotru marcha
dessus si lourdement, qu’il y fit un grand trou;
je l’ai donnée à raccommoder, car que ne fait-
on pas pour de l’argent! on devait me la rap-
porter hier.

— «Fort bien, Monsieur, reprit l’inspecteur
des forêts, vous recherchez la main de ma fille,
d’autres y aspirent comme vous: c’est à moi,
en qualité de père, à décider de son sort. Je
vous donne trois jours pour chercher une ombre;
si d’ici à trois jours vous vous présentez devant
moi avec une ombre qui vous aille bien, vous
serez le bien-venu; mais, je vous le décla-

4*
<TEI>
  <text>
    <body>
      <div n="1">
        <p><pb facs="#f0077" n="57"/>
délire. Je balbutiai qu&#x2019;une ombre n&#x2019;était à la<lb/>
fin qu&#x2019;une ombre; qu&#x2019;on pouvait s&#x2019;en passer,<lb/>
et que ce n&#x2019;était pas la peine de faire tant de<lb/>
bruit pour si peu de chose; mais je sentais par-<lb/>
faitement moi-même le peu de fondement et le<lb/>
ridicule de ce que je disais, et je cessai de<lb/>
parler sans qu&#x2019;il eût daigné m&#x2019;interrompre. «Oui,<lb/>
j&#x2019;ai perdu mon ombre, ajoutai-je alors, mais<lb/>
je puis la retrouver.»</p><lb/>
        <p>Il m&#x2019;interpela d&#x2019;un ton menaçant: «Dites-<lb/>
le-moi, Monsieur, comment avez-vous perdu<lb/>
votre ombre?» Il me fallut de nouveau men-<lb/>
tir. «Un jour, lui dis-je, un malotru marcha<lb/>
dessus si lourdement, qu&#x2019;il y fit un grand trou;<lb/>
je l&#x2019;ai donnée à raccommoder, car que ne fait-<lb/>
on pas pour de l&#x2019;argent! on devait me la rap-<lb/>
porter hier.</p><lb/>
        <p>&#x2014; «Fort bien, Monsieur, reprit l&#x2019;inspecteur<lb/>
des forêts, vous recherchez la main de ma fille,<lb/>
d&#x2019;autres y aspirent comme vous: c&#x2019;est à moi,<lb/>
en qualité de père, à décider de son sort. Je<lb/>
vous donne trois jours pour chercher une ombre;<lb/>
si d&#x2019;ici à trois jours vous vous présentez devant<lb/>
moi avec une ombre qui vous aille bien, vous<lb/>
serez le bien-venu; mais, je vous le décla-<lb/>
<fw place="bottom" type="sig">4*</fw><lb/></p>
      </div>
    </body>
  </text>
</TEI>
[57/0077] délire. Je balbutiai qu’une ombre n’était à la fin qu’une ombre; qu’on pouvait s’en passer, et que ce n’était pas la peine de faire tant de bruit pour si peu de chose; mais je sentais par- faitement moi-même le peu de fondement et le ridicule de ce que je disais, et je cessai de parler sans qu’il eût daigné m’interrompre. «Oui, j’ai perdu mon ombre, ajoutai-je alors, mais je puis la retrouver.» Il m’interpela d’un ton menaçant: «Dites- le-moi, Monsieur, comment avez-vous perdu votre ombre?» Il me fallut de nouveau men- tir. «Un jour, lui dis-je, un malotru marcha dessus si lourdement, qu’il y fit un grand trou; je l’ai donnée à raccommoder, car que ne fait- on pas pour de l’argent! on devait me la rap- porter hier. — «Fort bien, Monsieur, reprit l’inspecteur des forêts, vous recherchez la main de ma fille, d’autres y aspirent comme vous: c’est à moi, en qualité de père, à décider de son sort. Je vous donne trois jours pour chercher une ombre; si d’ici à trois jours vous vous présentez devant moi avec une ombre qui vous aille bien, vous serez le bien-venu; mais, je vous le décla- 4*

Suche im Werk

Hilfe

Informationen zum Werk

Download dieses Werks

XML (TEI P5) · HTML · Text
TCF (text annotation layer)
XML (TEI P5 inkl. att.linguistic)

Metadaten zum Werk

TEI-Header · CMDI · Dublin Core

Ansichten dieser Seite

Voyant Tools ?

Language Resource Switchboard?

Feedback

Sie haben einen Fehler gefunden? Dann können Sie diesen über unsere Qualitätssicherungsplattform DTAQ melden.

Kommentar zur DTA-Ausgabe

Dieses Werk wurde im Rahmen des Moduls DTA-Erweiterungen (DTAE) digitalisiert. Weitere Informationen …




Ansicht auf Standard zurückstellen

URL zu diesem Werk: https://www.deutschestextarchiv.de/19_ZZ_2786
URL zu dieser Seite: https://www.deutschestextarchiv.de/19_ZZ_2786/77
Zitationshilfe: Chamisso, Adelbert von: MERVEILLEUSE HISTOIRE DE PIERRE SCHLÉMIHL. Paris, 1838, S. 57. In: Deutsches Textarchiv <https://www.deutschestextarchiv.de/19_ZZ_2786/77>, abgerufen am 04.12.2024.