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Chamisso, Adelbert von: MERVEILLEUSE HISTOIRE DE PIERRE SCHLÉMIHL. Paris, 1838.

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pier qu'il tenait a la main; puis me fixant d'un
regard percant, il m'adressa cette question: "Se-
rait-il vrai, M. le comte, qu'un certain Pierre
Schlemihl ne vous faut pas inconnu?" Je gar-
dai le silence, et il continua: "Un homme d'un
caractere distingue, de vertus singulieres? ....."
Il attendait une reponse. "Eh bien, lui dis-je,
si c'etait moi? -- Un homme! s'ecria-t-il, qui
a perdu son ombre!"

"O mes funestes pressentimens! s'ecria Mina;
oui, je le sais depuis long-temps, il n'a point
d'ombre." A ces mots elle se jeta dans les bras
de sa mere, qui, pleine d'effroi, la serra contre
son sein, lui reprochant d'avoir pu taire cet hor-
rible mystere. Elle etait comme Arethuse, chan-
gee en une fontaine de larmes, qui redoublaient
au son de ma voix, accompagnees de sanglots
convulsifs.

"Et vous avez eu l'impudence, reprit le fo-
restier furieux, de tromper, ainsi que moi, celle
que vous pretendiez aimer, celle que vous avez
perdue. Voyez-la, contemplez votre ouvrage,
malheureux que vous etes!"

J'etais tellement trouble, que mes premieres
paroles ressemblerent a celles d'un homme en

pier qu’il tenait à la main; puis me fixant d’un
regard perçant, il m’adressa cette question: «Se-
rait-il vrai, M. le comte, qu’un certain Pierre
Schlémihl ne vous fût pas inconnu?» Je gar-
dai le silence, et il continua: «Un homme d’un
caractère distingué, de vertus singulières? .....»
Il attendait une réponse. «Eh bien, lui dis-je,
si c’était moi? — Un homme! s’écria-t-il, qui
a perdu son ombre!»

«O mes funestes pressentimens! s’écria Mina;
oui, je le sais depuis long-temps, il n’a point
d’ombre.» A ces mots elle se jeta dans les bras
de sa mère, qui, pleine d’effroi, la serra contre
son sein, lui reprochant d’avoir pu taire cet hor-
rible mystère. Elle était comme Aréthuse, chan-
gée en une fontaine de larmes, qui redoublaient
au son de ma voix, accompagnées de sanglots
convulsifs.

«Et vous avez eu l’impudence, reprit le fo-
restier furieux, de tromper, ainsi que moi, celle
que vous prétendiez aimer, celle que vous avez
perdue. Voyez-la, contemplez votre ouvrage,
malheureux que vous êtes!»

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[56/0076] pier qu’il tenait à la main; puis me fixant d’un regard perçant, il m’adressa cette question: «Se- rait-il vrai, M. le comte, qu’un certain Pierre Schlémihl ne vous fût pas inconnu?» Je gar- dai le silence, et il continua: «Un homme d’un caractère distingué, de vertus singulières? .....» Il attendait une réponse. «Eh bien, lui dis-je, si c’était moi? — Un homme! s’écria-t-il, qui a perdu son ombre!» «O mes funestes pressentimens! s’écria Mina; oui, je le sais depuis long-temps, il n’a point d’ombre.» A ces mots elle se jeta dans les bras de sa mère, qui, pleine d’effroi, la serra contre son sein, lui reprochant d’avoir pu taire cet hor- rible mystère. Elle était comme Aréthuse, chan- gée en une fontaine de larmes, qui redoublaient au son de ma voix, accompagnées de sanglots convulsifs. «Et vous avez eu l’impudence, reprit le fo- restier furieux, de tromper, ainsi que moi, celle que vous prétendiez aimer, celle que vous avez perdue. Voyez-la, contemplez votre ouvrage, malheureux que vous êtes!» J’étais tellement troublé, que mes premières paroles ressemblèrent à celles d’un homme en

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Zitationshilfe: Chamisso, Adelbert von: MERVEILLEUSE HISTOIRE DE PIERRE SCHLÉMIHL. Paris, 1838, S. 56. In: Deutsches Textarchiv <https://www.deutschestextarchiv.de/19_ZZ_2786/76>, abgerufen am 23.07.2024.