Chamisso, Adelbert von: MERVEILLEUSE HISTOIRE DE PIERRE SCHLÉMIHL. Paris, 1838."le seul temoin de ma douleur, qui la respectes, «le seul témoin de ma douleur, qui la respectes, <TEI> <text> <body> <div n="1"> <p><pb facs="#f0046" n="28"/> «le seul témoin de ma douleur, qui la respectes,<lb/> «et ne cherches point à en surprendre la cause,<lb/> «qui sembles t’y montrer sensible et la partager<lb/> «en secret, viens près de moi, Bendel, et sois<lb/> «le confident, l’ami de mon coeur. Je ne t’ai<lb/> «point caché l’immensité de mes richesses, je<lb/> «ne veux plus te faire un mystère de mon<lb/> «désespoir. Bendel, ne m’abandonne pas. Tu<lb/> «me vois riche, libéral, et tu penses que le<lb/> «monde devrait m’honorer et me rechercher. Ce-<lb/> «pendant tu me vois fuir le monde; tu me vois<lb/> «mettre entre lui et moi la barrière des portes<lb/> «et des verroux. Bendel, c’est que le monde<lb/> «m’a condamné; il me repousse, me rejette; et<lb/> «peut-être me fuiras-tu toi-même, lorsque tu<lb/> «sauras mon effroyable secret. Bendel, je suis<lb/> «riche, généreux, bon maître, bon ami, mais,<lb/> «hélas! je n’ai plus ...... Comment achever,<lb/> «grand Dieu!..... Je n’ai plus … mon ombre.»<lb/> «— «Plus d’ombre! s’écria-t-il avec terreur,<lb/> «plus d’ombre!» Et ses yeux se remplirent de<lb/> larmes. «Misérable que je suis, d’être con-<lb/> «damné à servir un maître qui n’a point d’ombre.»<lb/> — Il se tut, et mon visage retomba dans mes<lb/> deux mains, dont je le couvris de nouveau.</p><lb/> </div> </body> </text> </TEI> [28/0046]
«le seul témoin de ma douleur, qui la respectes,
«et ne cherches point à en surprendre la cause,
«qui sembles t’y montrer sensible et la partager
«en secret, viens près de moi, Bendel, et sois
«le confident, l’ami de mon coeur. Je ne t’ai
«point caché l’immensité de mes richesses, je
«ne veux plus te faire un mystère de mon
«désespoir. Bendel, ne m’abandonne pas. Tu
«me vois riche, libéral, et tu penses que le
«monde devrait m’honorer et me rechercher. Ce-
«pendant tu me vois fuir le monde; tu me vois
«mettre entre lui et moi la barrière des portes
«et des verroux. Bendel, c’est que le monde
«m’a condamné; il me repousse, me rejette; et
«peut-être me fuiras-tu toi-même, lorsque tu
«sauras mon effroyable secret. Bendel, je suis
«riche, généreux, bon maître, bon ami, mais,
«hélas! je n’ai plus ...... Comment achever,
«grand Dieu!..... Je n’ai plus … mon ombre.»
«— «Plus d’ombre! s’écria-t-il avec terreur,
«plus d’ombre!» Et ses yeux se remplirent de
larmes. «Misérable que je suis, d’être con-
«damné à servir un maître qui n’a point d’ombre.»
— Il se tut, et mon visage retomba dans mes
deux mains, dont je le couvris de nouveau.
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