ption de la bourse, et ce maudit son, mon coeur s'en repaissait. J'entassai sans relache le metal sur le metal, jusqu'a ce qu'enfin, ac- cable de fatigue, je me roulai sur ce tresor. Je nageais en quelque sorte dans cet ocean de richesses. Ainsi se passa la journee, la nuit me trouva gisant sur mon or, et le sommeil vint enfin m'y fermer les yeux.
Un songe me reporta pres de toi, je me trouvai derriere la porte vitree de ta petite chambre. Tu etais assis a ton bureau entre un squelette et un volume de ton herbier; Hal- ler, Humboldt et Linnee, etaient ouverts de- vant toi, et sur ton canape, Homere et Shak- speare. Je te considerai long-temps, puis j'exa- minai tout ce qui etait autour de toi, et mes yeux te contemplerent de nouveau, mais tu etais sans mouvement, sans respiration, sans vie.
Je m'eveillai. Il paraissait etre encore de fort bonne heure; ma montre etait arretee; j'e- tais brise, et de plus je mourais de besoin; je n'avais rien pris depuis la veille au matin. Je repoussai avec depit loin de moi cet or, dont peu auparavant, j'avais follement enivre mon coeur. Maintenant, inquiet, triste et confus, je
2
ption de la bourse, et ce maudit son, mon coeur s’en repaissait. J’entassai sans relâche le métal sur le métal, jusqu’à ce qu’enfin, ac- cablé de fatigue, je me roulai sur ce trésor. Je nageais en quelque sorte dans cet océan de richesses. Ainsi se passa la journée, la nuit me trouva gisant sur mon or, et le sommeil vint enfin m’y fermer les yeux.
Un songe me reporta près de toi, je me trouvai derrière la porte vitrée de ta petite chambre. Tu étais assis à ton bureau entre un squelette et un volume de ton herbier; Hal- ler, Humboldt et Linnée, étaient ouverts de- vant toi, et sur ton canapé, Homère et Shak- speare. Je te considérai long-temps, puis j’exa- minai tout ce qui était autour de toi, et mes yeux te contemplèrent de nouveau, mais tu étais sans mouvement, sans respiration, sans vie.
Je m’éveillai. Il paraissait être encore de fort bonne heure; ma montre était arrêtée; j’é- tais brisé, et de plus je mourais de besoin; je n’avais rien pris depuis la veille au matin. Je repoussai avec dépit loin de moi cet or, dont peu auparavant, j’avais follement enivré mon coeur. Maintenant, inquiet, triste et confus, je
2
<TEI><text><body><divn="1"><p><pbfacs="#f0035"n="17"/>
ption de la bourse, et ce maudit son, mon<lb/>
coeur s’en repaissait. J’entassai sans relâche<lb/>
le métal sur le métal, jusqu’à ce qu’enfin, ac-<lb/>
cablé de fatigue, je me roulai sur ce trésor.<lb/>
Je nageais en quelque sorte dans cet océan de<lb/>
richesses. Ainsi se passa la journée, la nuit<lb/>
me trouva gisant sur mon or, et le sommeil<lb/>
vint enfin m’y fermer les yeux.</p><lb/><p>Un songe me reporta près de toi, je me<lb/>
trouvai derrière la porte vitrée de ta petite<lb/>
chambre. Tu étais assis à ton bureau entre<lb/>
un squelette et un volume de ton herbier; Hal-<lb/>
ler, Humboldt et Linnée, étaient ouverts de-<lb/>
vant toi, et sur ton canapé, Homère et Shak-<lb/>
speare. Je te considérai long-temps, puis j’exa-<lb/>
minai tout ce qui était autour de toi, et mes<lb/>
yeux te contemplèrent de nouveau, mais tu étais<lb/>
sans mouvement, sans respiration, sans vie.</p><lb/><p>Je m’éveillai. Il paraissait être encore de<lb/>
fort bonne heure; ma montre était arrêtée; j’é-<lb/>
tais brisé, et de plus je mourais de besoin; je<lb/>
n’avais rien pris depuis la veille au matin. Je<lb/>
repoussai avec dépit loin de moi cet or, dont<lb/>
peu auparavant, j’avais follement enivré mon<lb/>
coeur. Maintenant, inquiet, triste et confus, je<lb/><fwplace="bottom"type="sig">2</fw><lb/></p></div></body></text></TEI>
[17/0035]
ption de la bourse, et ce maudit son, mon
coeur s’en repaissait. J’entassai sans relâche
le métal sur le métal, jusqu’à ce qu’enfin, ac-
cablé de fatigue, je me roulai sur ce trésor.
Je nageais en quelque sorte dans cet océan de
richesses. Ainsi se passa la journée, la nuit
me trouva gisant sur mon or, et le sommeil
vint enfin m’y fermer les yeux.
Un songe me reporta près de toi, je me
trouvai derrière la porte vitrée de ta petite
chambre. Tu étais assis à ton bureau entre
un squelette et un volume de ton herbier; Hal-
ler, Humboldt et Linnée, étaient ouverts de-
vant toi, et sur ton canapé, Homère et Shak-
speare. Je te considérai long-temps, puis j’exa-
minai tout ce qui était autour de toi, et mes
yeux te contemplèrent de nouveau, mais tu étais
sans mouvement, sans respiration, sans vie.
Je m’éveillai. Il paraissait être encore de
fort bonne heure; ma montre était arrêtée; j’é-
tais brisé, et de plus je mourais de besoin; je
n’avais rien pris depuis la veille au matin. Je
repoussai avec dépit loin de moi cet or, dont
peu auparavant, j’avais follement enivré mon
coeur. Maintenant, inquiet, triste et confus, je
2
Informationen zur CAB-Ansicht
Diese Ansicht bietet Ihnen die Darstellung des Textes in normalisierter Orthographie.
Diese Textvariante wird vollautomatisch erstellt und kann aufgrund dessen auch Fehler enthalten.
Alle veränderten Wortformen sind grau hinterlegt. Als fremdsprachliches Material erkannte
Textteile sind ausgegraut dargestellt.
Chamisso, Adelbert von: MERVEILLEUSE HISTOIRE DE PIERRE SCHLÉMIHL. Paris, 1838, S. 17. In: Deutsches Textarchiv <https://www.deutschestextarchiv.de/19_ZZ_2786/35>, abgerufen am 24.07.2024.
Alle Inhalte dieser Seite unterstehen, soweit nicht anders gekennzeichnet, einer
Creative-Commons-Lizenz.
Die Rechte an den angezeigten Bilddigitalisaten, soweit nicht anders gekennzeichnet, liegen bei den besitzenden Bibliotheken.
Weitere Informationen finden Sie in den DTA-Nutzungsbedingungen.
Insbesondere im Hinblick auf die §§ 86a StGB und 130 StGB wird festgestellt, dass die auf
diesen Seiten abgebildeten Inhalte weder in irgendeiner Form propagandistischen Zwecken
dienen, oder Werbung für verbotene Organisationen oder Vereinigungen darstellen, oder
nationalsozialistische Verbrechen leugnen oder verharmlosen, noch zum Zwecke der
Herabwürdigung der Menschenwürde gezeigt werden.
Die auf diesen Seiten abgebildeten Inhalte (in Wort und Bild) dienen im Sinne des
§ 86 StGB Abs. 3 ausschließlich historischen, sozial- oder kulturwissenschaftlichen
Forschungszwecken. Ihre Veröffentlichung erfolgt in der Absicht, Wissen zur Anregung
der intellektuellen Selbstständigkeit und Verantwortungsbereitschaft des Staatsbürgers zu
vermitteln und damit der Förderung seiner Mündigkeit zu dienen.
Zitierempfehlung: Deutsches Textarchiv. Grundlage für ein Referenzkorpus der neuhochdeutschen Sprache. Herausgegeben von der Berlin-Brandenburgischen Akademie der Wissenschaften, Berlin 2024. URL: https://www.deutschestextarchiv.de/.