seau? Ou bien, est-ce pour avoir voulu me voler, comme un filou, le bien que vous sup- posiez confie a votre seule probite, cette ombre que vous savez fort bien m'avoir vendue? Quant a moi, je ne vous en veux pas pour cela; je trouve tout simple que vous cherchiez a user de tous vos avantages, ruse et violence. Que d'ailleurs vous vous pretiez les principes les plus severes, et que dans votre esprit vous reviez a un beau ideal de delicatesse, c'est une fantaisie dont je ne m'offense pas. Je n'ai pas, en effet, une morale aussi austere que la votre, mais j'agis comme vous pensez. Dites-moi, par exemple, si je vous ai jamais pris a la gorge pour avoir votre belle ame, dont vous savez que j'ai envie? si jamais je vous ai fait atta- quer par quelqu'un de mes gens pour recouvrer ma bourse; ou si j'ai essaye, d'ailleurs, de vous en priver par quelque tour de passe-passe?" Je n'avais rien a repondre; il poursuivit: -- "C'est fort bien, Monsieur, c'est fort bien; vous ne sauriez me souffrir, je le concois fa- cilement, et je ne vous en fais point de repro- ches. Il faut nous separer, cela est clair; et je vous avouerai que de mon cote je commence
seau? Ou bien, est-ce pour avoir voulu me voler, comme un filou, le bien que vous sup- posiez confié à votre seule probité, cette ombre que vous savez fort bien m’avoir vendue? Quant à moi, je ne vous en veux pas pour cela; je trouve tout simple que vous cherchiez à user de tous vos avantages, ruse et violence. Que d’ailleurs vous vous prêtiez les principes les plus sévères, et que dans votre esprit vous rêviez à un beau idéal de délicatesse, c’est une fantaisie dont je ne m’offense pas. Je n’ai pas, en effet, une morale aussi austère que la vôtre, mais j’agis comme vous pensez. Dites-moi, par exemple, si je vous ai jamais pris à la gorge pour avoir votre belle âme, dont vous savez que j’ai envie? si jamais je vous ai fait atta- quer par quelqu’un de mes gens pour recouvrer ma bourse; ou si j’ai essayé, d’ailleurs, de vous en priver par quelque tour de passe-passe?» Je n’avais rien à répondre; il poursuivit: — «C’est fort bien, Monsieur, c’est fort bien; vous ne sauriez me souffrir, je le conçois fa- cilement, et je ne vous en fais point de repro- ches. Il faut nous séparer, cela est clair; et je vous avouerai que de mon côté je commence
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seau? Ou bien, est-ce pour avoir voulu me
voler, comme un filou, le bien que vous sup-
posiez confié à votre seule probité, cette ombre
que vous savez fort bien m’avoir vendue? Quant
à moi, je ne vous en veux pas pour cela; je
trouve tout simple que vous cherchiez à user
de tous vos avantages, ruse et violence. Que
d’ailleurs vous vous prêtiez les principes les
plus sévères, et que dans votre esprit vous
rêviez à un beau idéal de délicatesse, c’est une
fantaisie dont je ne m’offense pas. Je n’ai pas,
en effet, une morale aussi austère que la vôtre,
mais j’agis comme vous pensez. Dites-moi, par
exemple, si je vous ai jamais pris à la gorge
pour avoir votre belle âme, dont vous savez
que j’ai envie? si jamais je vous ai fait atta-
quer par quelqu’un de mes gens pour recouvrer
ma bourse; ou si j’ai essayé, d’ailleurs, de vous
en priver par quelque tour de passe-passe?»
Je n’avais rien à répondre; il poursuivit: —
«C’est fort bien, Monsieur, c’est fort bien;
vous ne sauriez me souffrir, je le conçois fa-
cilement, et je ne vous en fais point de repro-
ches. Il faut nous séparer, cela est clair; et
je vous avouerai que de mon côté je commence
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Chamisso, Adelbert von: MERVEILLEUSE HISTOIRE DE PIERRE SCHLÉMIHL. Paris, 1838, S. 94. In: Deutsches Textarchiv <https://www.deutschestextarchiv.de/19_ZZ_2786/120>, abgerufen am 24.07.2024.
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