pendance; il me tenait asservi depuis qu'il m'a- vait fait de nouveau jouer un role sur la scene du monde, que je voulais fuir: je ne pouvais plus lui imposer silence, et je sentais qu'au fond il avait raison. Il faut dans le monde qu'un riche ait une ombre, et si je voulais soutenir l'etat qu'il m'avait insidieusement fait reprendre, il n'y avait qu'une issue a prevoir. Cependant j'avais irrevocablement resolu, apres avoir sa- crifie mon amour et desenchante ma vie, que pour toutes les ombres de la terre je n'enga- gerais point mon ame, quel que paut etre l'eve- nement.
Un jour nous etions assis a l'entree d'une caverne, que les etrangers qui voyagent dans les montagnes ont coutume de visiter. La voix des torrens souterains se fait entendre dans une profondeur immense; et les pierres que l'on jette dans le gouffre, retentissent long-temps dans leur chute, sans paraeitre en atteindre le fond.
L'homme gris, selon sa coutume, me fai- sait, avec une imagination prodigue et toute la magie des plus vives couleurs, le tableau ravissant de tout ce que je pourrais effectuer dans ce monde, au moyen de ma bourse,
pendance; il me tenait asservi depuis qu’il m’a- vait fait de nouveau jouer un rôle sur la scène du monde, que je voulais fuir: je ne pouvais plus lui imposer silence, et je sentais qu’au fond il avait raison. Il faut dans le monde qu’un riche ait une ombre, et si je voulais soutenir l’état qu’il m’avait insidieusement fait reprendre, il n’y avait qu’une issue à prévoir. Cependant j’avais irrévocablement résolu, après avoir sa- crifié mon amour et désenchanté ma vie, que pour toutes les ombres de la terre je n’enga- gerais point mon âme, quel que pût être l’évé- nement.
Un jour nous étions assis à l’entrée d’une caverne, que les étrangers qui voyagent dans les montagnes ont coutume de visiter. La voix des torrens souterains se fait entendre dans une profondeur immense; et les pierres que l’on jette dans le gouffre, retentissent long-temps dans leur chute, sans paraître en atteindre le fond.
L’homme gris, selon sa coutume, me fai- sait, avec une imagination prodigue et toute la magie des plus vives couleurs, le tableau ravissant de tout ce que je pourrais effectuer dans ce monde, au moyen de ma bourse,
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pendance; il me tenait asservi depuis qu’il m’a-
vait fait de nouveau jouer un rôle sur la scène
du monde, que je voulais fuir: je ne pouvais
plus lui imposer silence, et je sentais qu’au fond
il avait raison. Il faut dans le monde qu’un
riche ait une ombre, et si je voulais soutenir
l’état qu’il m’avait insidieusement fait reprendre,
il n’y avait qu’une issue à prévoir. Cependant
j’avais irrévocablement résolu, après avoir sa-
crifié mon amour et désenchanté ma vie, que
pour toutes les ombres de la terre je n’enga-
gerais point mon âme, quel que pût être l’évé-
nement.
Un jour nous étions assis à l’entrée d’une
caverne, que les étrangers qui voyagent dans
les montagnes ont coutume de visiter. La voix
des torrens souterains se fait entendre dans une
profondeur immense; et les pierres que l’on jette
dans le gouffre, retentissent long-temps dans
leur chute, sans paraître en atteindre le fond.
L’homme gris, selon sa coutume, me fai-
sait, avec une imagination prodigue et toute
la magie des plus vives couleurs, le tableau
ravissant de tout ce que je pourrais effectuer
dans ce monde, au moyen de ma bourse,
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Chamisso, Adelbert von: MERVEILLEUSE HISTOIRE DE PIERRE SCHLÉMIHL. Paris, 1838, S. 92. In: Deutsches Textarchiv <https://www.deutschestextarchiv.de/19_ZZ_2786/118>, abgerufen am 24.07.2024.
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