Chamisso, Adelbert von: MERVEILLEUSE HISTOIRE DE PIERRE SCHLÉMIHL. Paris, 1838.riche, et oterent respectueusement leurs chapeaux. Mon compagnon, cependant, semblait etre riche, et ôtèrent respectueusement leurs chapeaux. Mon compagnon, cependant, semblait être <TEI> <text> <body> <div n="1"> <p><pb facs="#f0114" n="90"/> riche, et ôtèrent respectueusement leurs chapeaux.<lb/> Le coeur me battait avec force, et du haut de<lb/> mon cheval je regardais de côté, et d’un oeil<lb/> de convoitise, cette ombre qui autrefois m’avait<lb/> appartenu, et que maintenant je ne tenais qu’à<lb/> titre de prêt d’un étranger, d’un être que j’ab-<lb/> horrais.</p><lb/> <p>Mon compagnon, cependant, semblait être<lb/> dans la plus parfaite sécurité; il me suivait en<lb/> s’amusant à siffler, lui à pied, moi bien monté;<lb/> la tentation était trop forte; il me prit comme<lb/> un vertige, je piquai des deux, courus ainsi à<lb/> pleine carrière un certain espace de chemin;<lb/> mais je n’emmenais pas mon ombre avec moi,<lb/> elle avait glissé sous celle de mon cheval, lors-<lb/> que celui-ci avait pris le galop, et était re-<lb/> tournée à son légitime propriétaire. Il me fal-<lb/> lut honteusement tourner bride. L’homme en<lb/> habit gris, lorsqu’il eut tranquillement achevé<lb/> son air, se moqua de moi, rajusta mon image<lb/> à la place qu’elle devait occuper, et m’apprit<lb/> qu’elle ne me resterait attachée, que lorsqu’elle<lb/> serait redevenue ma propriété. «Je vous tiens,<lb/> continua-t-il, par votre ombre, et vous ne m’é-<lb/> chapperez pas: un homme riche comme vous,<lb/></p> </div> </body> </text> </TEI> [90/0114]
riche, et ôtèrent respectueusement leurs chapeaux.
Le coeur me battait avec force, et du haut de
mon cheval je regardais de côté, et d’un oeil
de convoitise, cette ombre qui autrefois m’avait
appartenu, et que maintenant je ne tenais qu’à
titre de prêt d’un étranger, d’un être que j’ab-
horrais.
Mon compagnon, cependant, semblait être
dans la plus parfaite sécurité; il me suivait en
s’amusant à siffler, lui à pied, moi bien monté;
la tentation était trop forte; il me prit comme
un vertige, je piquai des deux, courus ainsi à
pleine carrière un certain espace de chemin;
mais je n’emmenais pas mon ombre avec moi,
elle avait glissé sous celle de mon cheval, lors-
que celui-ci avait pris le galop, et était re-
tournée à son légitime propriétaire. Il me fal-
lut honteusement tourner bride. L’homme en
habit gris, lorsqu’il eut tranquillement achevé
son air, se moqua de moi, rajusta mon image
à la place qu’elle devait occuper, et m’apprit
qu’elle ne me resterait attachée, que lorsqu’elle
serait redevenue ma propriété. «Je vous tiens,
continua-t-il, par votre ombre, et vous ne m’é-
chapperez pas: un homme riche comme vous,
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