Chamisso, Adelbert von: MERVEILLEUSE HISTOIRE DE PIERRE SCHLÉMIHL. Paris, 1838.nuit. Dans la maison illuminee de l'inspecteur Je retirai sans rien dire ma tete de dessous nuit. Dans la maison illuminée de l’inspecteur Je retirai sans rien dire ma tête de dessous <TEI> <text> <body> <div n="1"> <p><pb facs="#f0104" n="80"/> nuit. Dans la maison illuminée de l’inspecteur<lb/> des forêts, retentissait une musique bruyante.<lb/> Quelques personnes parcouraient les allées du<lb/> jardin; deux d’entre elles s’approchèrent en con-<lb/> versant, et vinrent prendre place sur le banc,<lb/> où moi-même j’avais ẻté assis. J’écoutais leurs<lb/> discours, elles s’entretenaient du mariage de<lb/> l’opulent M. Rascal avec la fille de l’inspecteur<lb/> des forêts, mariage qui avait été célébré dans<lb/> la matinée de ce même jour. Ainsi donc, c’en<lb/> était fait.</p><lb/> <p>Je retirai sans rien dire ma tête de dessous<lb/> le bonnet de nuage de l’inconnu, qui disparut<lb/> aussitôt à mes regards, et je me hâtai, en m’en-<lb/> fonçant dans l’épaisseur des bosquets et en pas-<lb/> sant par le berceau du comte Pierre, de re-<lb/> gagner la porte du jardin. Cependant, attaché<lb/> à moi comme un vampire, mon compagnon in-<lb/> visible me poursuivait et ne cessait de m’as-<lb/> saillir de ses discours envenimés. — «Voilà<lb/> donc ce que l’on gagne à soigner durant tout<lb/> un jour Monsieur qui a des attaques de nerfs.<lb/> Un autre aurait dit: grand merci; mais, mon<lb/> ami, c’est fort bien: fuyez-moi tant que vous<lb/> voudrez, sauvez-vous tant que vous pourrez,<lb/></p> </div> </body> </text> </TEI> [80/0104]
nuit. Dans la maison illuminée de l’inspecteur
des forêts, retentissait une musique bruyante.
Quelques personnes parcouraient les allées du
jardin; deux d’entre elles s’approchèrent en con-
versant, et vinrent prendre place sur le banc,
où moi-même j’avais ẻté assis. J’écoutais leurs
discours, elles s’entretenaient du mariage de
l’opulent M. Rascal avec la fille de l’inspecteur
des forêts, mariage qui avait été célébré dans
la matinée de ce même jour. Ainsi donc, c’en
était fait.
Je retirai sans rien dire ma tête de dessous
le bonnet de nuage de l’inconnu, qui disparut
aussitôt à mes regards, et je me hâtai, en m’en-
fonçant dans l’épaisseur des bosquets et en pas-
sant par le berceau du comte Pierre, de re-
gagner la porte du jardin. Cependant, attaché
à moi comme un vampire, mon compagnon in-
visible me poursuivait et ne cessait de m’as-
saillir de ses discours envenimés. — «Voilà
donc ce que l’on gagne à soigner durant tout
un jour Monsieur qui a des attaques de nerfs.
Un autre aurait dit: grand merci; mais, mon
ami, c’est fort bien: fuyez-moi tant que vous
voudrez, sauvez-vous tant que vous pourrez,
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